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Tous deux devaient succomber sur leur tâche, celui-ci, en s’ensevelissant avec héroïsme sous les ruines de sa petite église ; celui-là, en tombant victime de sa fastueuse magnanimité, ce qui n’empêche pas sa fin d’être misérable. Elle ne consacre pas un principe comme celle de Caton ; elle constate la destruction de tout principe chez les autres et chez lui-même, puisque cette démoralisation politique et sociale est son ouvrage.

César est une grande intelligence, une admirable organisation : mais aucune séduction de raisonnement ou de langage ne nous le fera accepter comme un beau caractère. S’il peut être considéré comme le sauveur de Rome, ce n’est que dans le sens matériel de sa richesse et de sa puissance extérieure. Il n’en est pas moins un des agents les plus énergiques qui aient travaillé à sa décomposition morale et au déclin de son légitime ascendant sur le vieux monde. Qu’est-ce donc que de relever la fortune d’une nation et d’agrandir son territoire, si on avilit son âme ? un empire n’est pas grand parce qu’il est vaste.

Croit-on qu’il faille bénir César pour avoir rétabli l’ordre dans une société troublée ? Il ne l’a jamais rétabli, il ne pouvait pas le rétablir. Il est faux qu’on fasse de l’ordre avec le désordre dans les mœurs publiques Quand on a fait le silence dans les rues, on n’a pas mis la paix dans les maisons, et quand, dans ces mêmes rues, on a déchaîné les bacchanales du plaisir, on n’y a pas fait circuler la joie.

Le rêve de César ne pouvait se réaliser par les moyens que proposait Caton, rêves également stériles ! Rome voulait la vie, elle en avait besoin, elle y avait droit. La vertu ne pouvait satisfaire que son âme. Son