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bande de lâches asservis par elle, ou à nous montrer que s’il sait peindre la vie infâme et corrompue, il sait aussi bien, quand il lui plaît, présenter l’idéal d’une vie pure et saine.

Le blâmerons-nous d’avoir fait un tableau si sombre ? Non ; si les mœurs d’un certain monde sont-là fidèlement décrites, — et on le dit, — c’est toujours une bonne action que d’en avoir révélé la laideur et la honte. Le ton amèrement léger du narrateur donne à cette révélation une force d’amusement — nous maintenons le mot — qui en décuple l’effet. Ces turpitudes racontées sérieusement ne seraient pas supportables. Présentées sous la forme vive et limpide de l’ironie, elles sont comme flagellées et déjà punies par l’auteur en arrivant sous nos yeux. C’est un terrible pamphlet contre le vice, que cette analyse enjouée des âmes infectes, et l’indignation qu’elles nous causent est satisfaite par le sanglant mépris qui les dévoile. Sous ce rapport, le livre est bon. Il y a pour le mal une immense flétrissure, un châtiment exemplaire à passer sous la verge d’un railleur impitoyable comme M. Edmond About.

Mais le blâmerons-nous, quand même, de ne point avoir conçu la figure d’un seul homme vraiment honnête et vraiment fort, écrasant tous ces bandits, ou du moins survivant à leurs coups, et trouvant le bonheur encore dans la joie de sa conscience ?

L’artiste nous répondra qu’il a voulu pousser la démonstration justpi’à ses dernières conséquences, que son sujet l’a emporté, et qu’il a usé de toutes les ressources de son inspiration ; ou mieux encore : il nous dira que la vertu étant la vertu, elle n’a pas besoin d’être prouvée par le bonheur, et que ceux qui