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de la femme n’est-il pas d’adoucir sa tâche sans paralyser ses forces ?

Toute grande dépense d’énergie a ses besoins de réaction, ne le sait-on pas ? Ne peut-on pas dire que, si jamais époque n’eut plus d’essor vers le travail, jamais époque n’eut aussi plus d’aspirations vers les jouissances du repos ? Ceci est une conséquence toute logique, toute légitime et naturelle.

D’où vient que l’aspiration aux jouissances du moment a tourné à la corruption et qu’elle menace de rompre tous les liens de la sociabilité, de l’amour, de l’amitié, de la famille ? N’est-ce pas un peu la faute de l’autre sexe ? Est-il vrai qu’il ait, comme le pense apparemment l’académicien de M. J. S…, conservé dans quelques sanctuaires la tradition de l’idéal héroïque professé jadis à l’hôtel de Rambouillet ?

Ces sanctuaires, en tout cas, sont rares, ou leur influence est médiocre, car la majorité des femmes de la génération présente se partage en deux camps : les dévotes et les mondaines. Les nulles ne comptent pas et n’ont jamais compté. Parmi celles-ci, beaucoup s’arrangent pour résoudre le problème de concilier le Dieu jaloux et le monde tentateur. Rien n’est plus facile, du moment qu’on fait de la logique et qu’on ne se pique pas d’être bien d’accord avec soi-même. Mais tout ce qui a de l’élan et de la vitalité chez les femmes tend aussi à se manifester par quelque chose d’excessif, intolérance religieuse ou enivrement de luxe et de coquetterie. Il est évident que la femme suit le courant du siècle, qu’elle renonce à entretenir le feu sacré de l’idéal ou qu’elle le cherche dans une interprétation religieuse qui n’est pas celle de l’homme éclairé de son temps.