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femme et mère, le tient assis sur ses genoux, et de ses mains enlacées le serre doucement contre sa poitrine. Marie n’est point là l’inspirée qui adore le futur Sauveur, c’est la mère qui possède son fils sans aucune terreur religieuse, sans aucun pressentiment de l’avenir. La tête expressive de l’autre enfant, le futur précurseur Jean-Baptiste, est d’une naïveté souriante. Le seul reproche à faire à cette composition si simple et si heureuse, c’est l’attitude de prière donnée aux mains jointes du petit saint ; encore est-ce une critique de l’idée, et non de l’arrangenrjent, qui est excellent et nécessaire à l’harmonie parfaite du groupe ; mais cette supplication des mains nuit à la grande sérénité de la scène et divise l’intérêt entre un groupe parfaitement impassible et un enfant qui supplie sans émouvoir les objets de son adoration. En outre, Raphaël a fait une toute petite concession aux mesquineries de l’usage, en passant au bras de cet enfant une petite croix de bois, joujou prophétique d’un effet fort puéril. Je n’aime pas ces fioritures apocryphes dans les sujets proposés à la piété du chrétien ou au respect du penseur philosophique. Elles prêtent à la plaisanterie ou elles égarent l’imagination dans le caprice des légendes. La peau de mouton et la petite croix de Jean-Baptiste enfant sont devenus des attributs classiques, à ce point que certaines bonnes femmes s’imaginent qu’il est venu au monde avec cette peau cousue à l’épaule et cette croix passée au bras. Dans les mauvaises reproductions de la Vierge à la chaise, l’exagération puérile de l’expression des têtes donne lieu à une explication du sujet que j’ai entendu donner par une petite fille de bonne foi parlant à son frère.

— Vois-tu, lui disait-elle, la maman est triste parce