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trigue ! C’était peu que de se préparer à l’avance : l’acteur, excité par les rires et les applaudissements du public, inventait chaque jour des saillies inattendues, qui obligeaient son camarade à trouver sur-le-champ la répartie. Quand on jette les yeux sur les plus anciens canevas imprimés de la comédie italienne, on a peine à comprendre qu’il ait existé des artistes assez habiles pour improviser le dialogue de scènes vaguement indiquées en quelques mots. Si l’on proposait aujourd’hui à nos meilleurs comédiens déjouer, comme les Italiens, le plus mince vaudeville, sans autre secours qu’un scénario pendu aux murailles du théâtre, derrière la coulisse, ils n’oseraient aborder une pareille entreprise.

Faut-il donc croire que tous les acteurs de la comédie italienne fussent des hommes prodigieux ? Ils eurent sans doute parmi eux quelques artistes de génie. Fiorelli, Dominique, Bertinazzi, furent, à n’en pas douter, des acteurs inimitables. Mais ils ne possédèrent pas seuls ce don singulier d’improviser tout un rôle et de le soutenir, sans perdre haleine, pendant plusieurs actes. Leurs camarades, et ceux qui les avaient précédés, acteurs souvent médiocres et ignorants, avaient, sans posséder le même génie, accompli la même tache. Elle devait donc être moins difficile qu’elle ne paraît au premier abord. Sans doute, le genre de la comédie italienne offrait à l’acteur des ressources tout à fait étrangères aux habitudes du théâtre moderne. En effet, dans la comédie italienne, l’intrigue change au gré de l’imagination de l’auteur, mais les caractères ne varient jamais. Quelle que soit la partie engagée, Arlequin, Pantalon, Cinthio, Isabelle, Colombine, Balvardo, doivent y prendre part.