Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/260

Cette page n’a pas encore été corrigée

lienne, ce qui lui appartient et n’appartient qu’à elle, c’est la création de ces types variés, dont l’esprit, la vérité, le naturel, ont fait les délices de plusieurs générations d’hommes. Aujourd’hui encore leur nom est dans la bouche de tout le monde, quoiqu’on ignore leur origine, leur histoire, et même leur caractère véritable. Qui le premier inventa ces personnages sans pareils : Polichinelle, Arlequin, Pantalon, Isabelle, Colombine, le Docteur ?… La généalogie de ces noms illustres est à peine ébauchée. Personne cependant ne peut contester l’antiquité de leur race. Quelques-uns d’entre eux sont nés certainement avant le christianisme ; ils ont traversé le moyen âge dans la voiture du charlatan ou sur les tréteaux des saltimbanques. On les voit grandir, se perfectionner, se transformer avec les nations mêmes qu’ils réjouissent de leurs quolibets et de leurs lazzis.

Le plus ancien de tous, c’est le Polichinelle napolitain. Il descend en ligne droite du Maccus de la Campanie, ou plutôt c’est le même personnage. Maccus, en langue oste, signifie la même chose que Pulcinella en italien. Le Maccus antique ne figurait point dans la comédie régulière, mais dans ces espèces de drames satiritiues fort anciens qui s’appelaient atellanes, du nom de la ville d’Atella, où ils avaient pris naissance. Une statue de bronze, retrouvée à Home en 1727, ne peut laisser de doute sur l’identité de Maccus et de Polichinelle. Le Polichinelle des atellanes porte, comme son descendant, deux énormes bosses, un nez crochu comme le bec d’un oiseau de proie, et de grosses chaussures reliées sur le cou-de-pied, qui ne s’éloignent pas trop de nos sabots modernes. Il a l’air railleur, sceptique et méchant ; deux