Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/254

Cette page n’a pas encore été corrigée

mes enseignements. Je suis devenu sage, sage relativement à beaucoup d’hommes auxquels je suis à même de me comparer ; mais je suis encore loin d’atteindre ce que je voudrais être, car j’ai toujours devant les yeux un idéal de perfection sainte, que je rêve pour les hommes en le cherchant pour moi. »

Gilland, en effet, consacra ses rares heures de loisir à la prédication fraternelle d’ami à ami, de cœur à cœur. Il rédigea dans l’Atelier quelques articles d’une touchante moralité et se lia avec l’élite des ouvriers instruits de Paris[1]. Il a épousé, ainsi que je l’ai dit, mademoiselle Magu. « La connaissance que j’avais faite du vieux poëte à notre village me procura, dit-il, le bonheur de posséder une compagne intelligente et douce telle qu’il m’en fallait une, et telle que bien peu de gens peuvent se vanter d’en posséder. Vous connaissez nos amis, notre intérieur. Notre ménage est tel qu’on pourrait le souhaiter à bien du monde dans notre malheureuse société. Mon père et ma mère sont encore vivants, Dieu merci. Ils ne gagnent plus rien, et sans nous seraient depuis longtemps à l’hôpital. Et cela après avoir été les plus honnêtes gens et les meilleurs travailleurs du monde. Je pourrais vous citer d’eux des traits de probité et de désintéressement admirables.

» J’aurais pu, à une certaine époque, m’établir et devenir maître à mon tour. Il m’a été plusieurs fois offert de l’argent pour cela ; mais j’ai voulu rester ouvrier. J’ai toujours pensé que l’association émanciperait les travailleurs, et qu’elle seule devait être soutenue et préconisée. J’y ai fait de grands sacri-

  1. Avec Agricol Perdiguier entre autres.