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» Mais avant de lui faire connaître mon amour, je voulais qu’elle se purifiât par quelque sainte action, et voici ce que j’imaginai. Un de mes camarades venait de partir soldat ; il avait laissé un enfant à une pauvre ouvrière qui venait de mourir. Je voulais adopter cet enfant pour le donner à la malheureuse que j’aimais d’un amour à la fois chrétien et romanesque ; je voulais qu’elle l’aimât comme son fils, afin qu’en lui voyant cet enfant dans les bras, tout le monde la respectât, comme je voulais la respecter moi-même. Ma mère était ma confidente. Je l’engageais, en bonne âme qu’elle était, à aller chercher l’enfant. Mais elle me fit un doux sermon. Elle me dit que celle dont je voulais faire ma compagne ne m’aimerait pas, qu’elle ne comprendrait point mon sacrifice, qu’elle m’abandonnerait pour le premier débauché qui aurait de l’argent ; que le monde était méchant, que l’enfant me serait reproché comme le fruit de mon inconduite. Les mères sont toujours un peu égoïstes dans leur tendre prévoyance. La mienne parlait le langage de la raison, et pourtant elle pleurait en me grondant, et elle pleure encore lorsqu’elle raconte cette folie de ma jeunesse, que je ne saurais me reprocher. »

Force fut bien à Gilland d’écouter sa mère, car la pauvre fille égarée, après avoir hésité entre le vice et la vertu, se rejeta dans l’ivresse et partit avec un nouveau riche.

Après avoir oublié, non sans peine, cette infortunée, Gilland s’attacha sérieusement à une ouvrière, sa sœur de condition, sa compagne de labeur.

… « Si l’on peut donner le nom d’Ange à quelqu’un pour exprimer la beauté, la douceur et l’intel-