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II

THÉÂTRE DE L’OPÉRA

L’Opéra a donné à son tour une représentation nationale où le peuple a entendu le chef-d’œuvre d’Auber, La Muette de Portici, les chants patriotiques de notre première révolution. La Muette a vivement impressionné l’auditoire. Cet auditoire-là écoute à la fois les paroles et la musique. Il a raison. Dans un drame lyrique, s’il y a contre-sens entre la pensée littéraire et la pensée musicale, l’œuvre est manquée de part et d’autre. L’art est pour le peuple une question de sentiment, et son instinct arrive de primesaut à ce qui est le but le plus complet et le plus élevé de l’art ; c’est que, dans toutes les choses humaines, le point de départ comme le point définitif, est le simple et le vrai. Tout travail intermédiaire est une suite de déviations qui finissent toujours par un retour au principe de la logique, ou une suite de confirmations successives du principe même.

Le peuple est, par rapport aux arts, comme un enfant bien doué et bien organisé, qui ne connaît pas le beau, mais qui le devine, parce qu’il le porte en germe en lui-même. Il ne sait pas pourquoi l’œuvre est belle, il ne la soupçonne pas difficile, bien qu’elle lui paraisse mystérieuse. Mais elle l’impressionne ou le laisse froid, selon qu’elle est émanée du sentiment ou purement de la science.