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qui tracera la limite ? qui posera le cheveu ? qui définira le goût ? Le goût, c’est un grand mystère, et qui n’a pas de criterium palpable. Il échappe absolument à l’arbitraire de la critique. Il ne peut être jugé que par lui-même.

Mademoiselle Anaïs aussi est un maître. Si on pouvait désirer mieux qu’elle quand on est sous le charme de sa grâce accomplie et de son intelligence supérieure, on s’imaginerait une aventurière un peu plus accentuée, un peu moins digne et convenable, bien peu plus, bien peu moins.

Mademoiselle Anaïs ne peut pas donner à faux. Ainsi lorsqu’elle n’atteint pas la limite du cheveu, elle n’en est séparée que par l’épaisseur d’un autre cheveu.

L’ouverture des représentations gratuites du théâtre de la République a eu lieu jeudi avec tous les honneurs dus au peuple. Le nouveau directeur, M. Lockroy, aimé du public autrefois comme artiste, ensuite comme auteur dramatique, sera aimé maintenant du vrai, du grand public, pour le soin intelligent et le zèle qu’il apporte à ces représentations patriotiques, qu’on pourrait appeler les fêtes de l’esprit. Le spectacle a été ouvert par le Chant du Départ, cette belle inspiration de Méhul, devenue populaire, et chantée par les chœurs du Conservatoire. Un prologue, Le Roi attend, sorte de pastiche où l’auteur a exprimé ses bonnes intentions, en s’attachant le plus possible à faire parler les maîtres mis en scène ; un chant patriotique admirable de madame Pauline Garcia-Viardot, sur les paroles de Pierre Dupont, chanté largement par Roger ; madame Rachel dans Les Horaces ; Provost, Régnier, Samson, mademoiselle Brohan dans Le Malade imaginaire ; enfin, Rachel encore, Rachel, su-