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prises du fait, si compliquées, si brusques, si fatigantes et si usées déjà, grâce aux prodigieuses ressources des faiseurs en renom. Et comment ne se lasserait-on pas de ce qui n’a aucune signification morale ? Que nous importent ces incidents dramatiques (car ce ne sont pas même des accidents) qui tombent du ciel comme des caprices de la destinée, et qui pourraient tout aussi bien arriver d’une manière que de l’autre ? On a dépensé souvent, pour entrecroiser tous ces hasards dans une seule pièce et pour les débrouiller au dénouement, plus de talent et de savoir-faire qu’il n’en eût fallu pour faire cent actions suffisantes chacune pour une bonne pièce. Il n’y a rien de plus affligeant que cette habileté ; c’est la décadence et la mort de l’art, et, ce qui désole, c’est que ce sont de grands artistes qui ont travaillé pendant vingt ans à commettre ce parricide.

Dans la pièce dont nous rendons compte, tout se passe autrement, et l’unité de l’action ne laisse pas l’action languir le moins du monde. Il n’y a pas une scène qui n’ait sa raison d’être. Le plan de campagne des principaux personnages se fait, se défait et se refait, non parce qu’il a plu à l’auteur que cela fût ainsi, mais parce que ces personnages, bien conçus et parfaitement vrais et vivants, ne devaient pas, ne pouvaient pas échapper à ces doutes, à ces irrésolutions, à ces projets, à ces colères, à ces réactions, à ces douleurs et à ces résolutions nouvelles. Enfin, c’est la nature qui suit sa pente irrésistible, et la fatalité des événements est parfaitement logique.

Ce n’est pas tout que d’avoir cette forme excellente et ces notions vraies de l’intérêt dramatique. Avec tout cela, on pourrait faire encore de mauvaises pièces, si,