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effet charmant. Il n’y a pas que l’acteur et le public qui aient du goût aux Funambules. Il faut louer aussi la mise en scène.

Un accident est venu attrister les dernières scènes. Deburau, rapidement englouti dans une trappe, s’est blessé. La représentation n’a été interrompue qu’un instant. Un morne silence accusait l’attente résignée et la sincère inquiétude de ce public si impatient et si bruyant è. l’ordinaire. La souffrance se lisait à travers son masque de farine, et les généreux enfants du faubourg l’ont supplié d’une voix attendrie, de ne pas se sacrifier à leurs plaisirs. Mais lui, les remerciant d’un geste et d’un sourire sympathiques, a repris sa verve et achevé la pièce aux grands transports d’un public reconnaissant, qui l’a rappelé et applaudi avec transport. Il n’y a pas de place pour les claqueurs aux fêtes du peuple, et l’incomparable Pierrot des Funambules n’en a jamais eu besoin.

S’il est vrai que ce théâtre soit supprimé et que Deburau prenne sa retraite, n’est-il aucun autre théâtre qui ne s’efforce de l’arracher aux douceurs du repos ? Le peuple l’a possédé assez longtemps pour n’avoir pas lieu de l’accuser d’ingratitude. S’il se montre enfin au public des artistes de l’autre moitié de Paris, il y serait nouveau, car le boulevard du Temple est loin, et on ne pénètre pas aisément dans un théâtre toujours rempli comme celui des Funambules. Deburau, quoique bien ancien du côté de la Bastille, est encore inconnu du côté de la Madeleine à bien des gens capables de l’apprécier. Je sais qu’il serait difficile de transporter ce cadre qui lui est nécessaire, mais on peut peut-être lui en créer un modifié à son usage, et inventer pour lui quelque in-