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Marc-Girardin, il avait déjà promis au récipiendaire monts et merveilles de son contact avec les intelligences académiques, des vues saines, des horizons immenses, une sérénité d’âme à toute épreuve, enfin tant de lumières et de consolations que le cathécumène en serait lui-même étonné. Si nous osions demander à M. Saint-Marc-Girardin comment il se trouve à cette heure, peut-être nous apprendrait-il des choses étranges, des résultats miraculeux de son initiation.

Car enfin cela serait bon à savoir, dans ces jours où l’on souffre tant, où la misère est si grande, les mœurs publiques si corrompues, l’honneur national si compromis. S’il ne s’agissait que de prendre d’assaut le palais de l’Institut et de s’asseoir sur les banquettes (on dit fauteuils) du docte corps, le peuple ferait une révolution, je le parie, pour sentir dans son âme, ne fût-ce qu’un instant, ces ineffables voluptés de la quiétude intellectuelle, et cette foi au génie des gens de lettres, qui doit régénérer l’espèce humaine.

Quant à moi, pauvret, je me suis demandé naïvement, en écoutant ces belles promesses, quels effets produirait sur moi le philtre académique ? Y a-t-il donc là-dedans une doctrine, une révélation, ou quelque chose comme le sommeil d’Épiménide ? Voyons, me disais-je, une fois que je me serai bien persuadé que Rousseau et Voltaire n’étaient bons qu’à faire le mal, que toute opinion hardie, tout désir de réforme sociale est une maladie enragée, que nous avons été bien vexés de voir le jardin des Tuileries mangé parles chevaux des Cosaques, mais qu’à force de courbettes devant l’étranger, on peut et on doit, à coup sûr, se