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langage, ce serait encore un rôle très-élevé. Mais ils font plus, car ils sentent que le peuple a plus à faire. Le peuple est l’initiateur providentiel, fatal, nécessaire et prochain, aux principes d’égalité contre lesquels le vieux monde lutte encore. Lui seul est le dépositaire du feu sacré qui doit réchauffer et renouveler, par la conviction de l’enthousiasme, cette société malade et mourante d’inégalité. Le peuple est virtuellement, depuis la naissance des sociétés, le Messie promis aux nations. C’est lui qui accomplit et qui doit continuer l’œuvre du Christ, cette voix du ciel descendue dans le sein d’un prolétaire, ce Verbe divin qui sortit de l’atelier d’un pauvre charpentier pour éclairer le monde et prophétiser le royaume des cieux, c’est-à-dire le règne de la fraternité parmi les hommes. Ce n’était pas dans la poitrine ambitieuse d’un proconsul romain, ni dans le sein desséché d’un docteur juif, que cette pensée de Dieu pouvait s’incarner. Elle passa de l’âme du prolétaire Jésus dans l’âme des prolétaires de son école. De pauvres travailleurs la répandirent sur le monde, et leur génie fut inspiré d’en haut pour la féconder et l’expliquer. Ou l’avenir du monde est brisé et la race humaine finie, ou bien un avenir prochain nous réserve quelque miracle de ce genre. Les scribes et les pharisiens d’aujourd’hui n’ont pas plus l’inspiration divine que ne l’avaient ceux de l’antique Judée. Les administrateurs des provinces de France ne sont pas plus animés de l’esprit saint que les préteurs de l’empire romain ne l’étaient au temps de la révélation évangélique ; et comme Hérode, ils ne savent plus que se laver les mains de toutes les iniquités sociales dont ils ne peuvent contenir le débordement. Les docteurs de la loi n’ont plus à