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de maître Adam, de ceux qui le placent au rang que ses contemporains lui ont assigné avec acclamations. J’étais occupé à justifier auprès de vous son caractère personnel ; et je vous l’ai montré superbe et quasi hargneux, tout en faisant de son talent un commerce vénal suivant nos idées, légitime suivant les siennes et celles de son temps.

M. A. — Accordé ! J’ai lu les dédicaces et les préfaces du grand Corneille. Hélas ! Après celle de Cinna, j’étais tenté de m’écrier : Holà ! Je sais que les hommes de lettres ne pouvaient exister ni se faire connaître sans protection. On avait besoin d’un prince ou d’un roi comme on a besoin aujourd’hui d’un éditeur, et le menuisier de Nevers pouvait bien n’être pas plus hautain que le père de la tragédie française.

M. Z. — Il l’était davantage, écoutez : les vers que je vais vous dire, il y a longtemps que je les sais par cœur, car ils sont dignes de ce temps de Corneille devant lequel nous restons prosternés. J’ai vu avec plaisir que, dans sa Notice sur Adam Billaut, M. Ferdinand Denis les avait cités les premiers. Ce sont des stances adressées à un personnage qui sollicitait notre menuisier de quitter son pays et son état, pour venir se fixer auprès de la cour, où il travaillerait à sa fortune. Mais le poète était désabusé des promesses de l’ambition :

Pourvu qu’en rabotant ma diligence apporte
De quoy faire rouler la course d’un vivant,
Je serai plus content à vivre de la sorte,
Que si j’avais gagné tous les biens du Levant.
S’élesve qui voudra sur l’inconstante roue.
Dont la déesse aveugle en nous trompant se joue ;