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     Te rappelant qu’en ton enfance.
      Tu suças du lait plébéien.

Savoure, cher enfant, ce lait avec délice,
Si sa source est obscure, est-il moins bienfaisant ?
Le peuple est honoré du choix de ta nourrice ;
Comme ma femme, elle est femme d’un tisserand.

Près de mon petit-fils, qui vient aussi de naître,
J’ai composé ces vers, en formant le désir
Qu’il puisse un jour te voir, t’aimer et te connaître,
Sous le même drapeau te défendre et mourir !

Vous voyez que mon cher poëte n’est pas un révolutionnaire, et qu’il croit à l’avenir de la royauté dans la simplicité de son cœur. Je ne l’en blâme pas, puisqu’il pense que le lait plébéien peut être pour un prince au berceau comme l’influence magique de la fée, qui, d’un coup de baguette, assure les plus heureuses destinées et accomplit les plus brillants prodiges. L’histoire dit que Sa Majesté à fait remercier le poëte tisserand. La munificence royale a-t-elle servi de protection à Magu pour obtenir du ministère la rente de 200 francs dont il jouit si légitimement ? Je l’ignore.

— Mais dans tous les cas, reprit en souriant M. A., qui se levait pour s’en aller, ni la royauté, ni le ministère n’ont trouvé que ce fût donner un encouragement dangereux et un exemple immoral que de secourir, entre tous ceux qui meurent de faim et qu’on ne peut pas aider, un pauvre diable, parce qu’il a plus de génie que ses confrères. Est-ce qu’on ne va point par hasard accuser la royauté d’être lasse des froideurs de la classe moyenne, et de flatter la vanité du peuple, pour se faire un public moins sévère ?

Janvier 1842.