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Je fis un nouveau roman que j’intitulai Jacques, et dans lequel, prenant un homme pour type principal, je demandai encore, et cette fois au nom de l’homme, comme je l’avais fait jusqu’alors au nom de la femme, quel était l’idéal de l’amour dans le mariage. Cette fois, ce fut pis encore. J’étais l’ennemi du mariage, l’apologiste de la licence, le contempteur de la fidélité, le corrupteur de toutes les femmes, le fléau de tous les maris.

Plus tard, dans un roman appelé Spiridion, je demandai à mon siècle quelle était sa religion. On m’observa que cette préoccupation de mon cerveau manquait d’actualité. Les critiques qui m’avaient tant reproché de n’avoir ni foi ni loi, de n’être qu’un artiste, c’est-à-dire, dans leurs idées d’alors, un brouillon et un athée, m’adressèrent de doctes et paternels reproches sur ma prétention à une croyance, et m’accusèrent de vouloir me donner des airs de philosophe. « Restez artiste ! » me disait-on alors de toutes parts, comme Voltaire disait à son perruquier : « Fais des perruques. »

Plus tard encore, dans un roman intitulé le Compagnon du tour de France, je demandai ce que c’était que le droit social et le droit humain ; quelle justice était praticable de nos jours, et comment il fallait s’y prendre pour persuader aux prolétaires que l’inégalité des droits et des moyens de développement était le dernier mot de la forme sociale et de la sagesse des lois. Il me fut répondu que j’en voulais trop savoir, que j’étais le courtisan de la populace, le séide d’un certain Jésus-Christ et de plusieurs autres raisonneurs très-scélérats que la justice de tous les siècles et l’intérêt de tous les gouvernements avaient envoyés à la potence.