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sieurs autres pièces dont les titres vous montrent que cet enfant s’est préoccupé de choses sérieuses, et que son âme est celle d’un homme. Mais son talent ne lui obéit que dans le genre familier, mêlé d’une sensibilité qui ressemble à celle des bons moments de Sterne ; quelquefois cette sensibilité est plus profonde. Lisez cette pièce :

Comme le cœur me bat quand j’approche du lieu
      Où cent fois par un temps superbe,
Quand j’étais tout petit, je me roulais sur l’herbe !
Maman venait me joindre, et disait : Prions Dieu.

J’avais quatre ans alors, je commençais à vivre ;
Un papillon passait, après lui de courir ;
Et si je l’attrapais, de plaisir j’étais ivre ;
Je pleurais, dans ma main s’il venait à mourir.

C’est le temps du bonheur que celui de l’enfance ;
Une pomme, un baiser, avec le chien bondir,
Tomber vingt fois par jour, mettre une mère en transe,
Rire quand une bosse au front vient s’arrondir.

Affronter les frimas toujours les pieds humides,
Dans un fossé fangeux laisser ses deux sabots,
Braver mille dangers, toux, et fièvres putrides ;
Pour dénicher un nid mettre tout en lambeaux.

Je ne l’oublierai pas, la chaumière enfumée.
Où, las, tout haletant, je revenais le soir.
Et puis sur les genoux d’une mère alarmée,
Je m’endormais content, en lui disant bonsoir.

Mais bien jeune au tombeau ma mère est descendue,
Et son dernier adieu n’ai pu le recevoir !
Il ne me reste rien, ma chaumière est vendue,
Et sur son seuil de bois, je n’irai plus m’asseoir.