Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/123

Cette page n’a pas encore été corrigée

trois hivers seulement, dans une école de village, l’instruction primaire, alors plus incomplète de beaucoup que celle qu’on reçoit aujourd’hui. Pendant l’été, Magu ramassait les pierres et arrachait les chardons dans les champs. Il apprit l’état de tisserand, lut la Fontaine et s’en pénétra. Atteint d’une ophthalmie très-intense, et menacé de perdre la vue, il lutta très-longtemps contre ses souffrances, sans négliger ni ses livres, ni son métier. Mais il allait devenir aveugle et succomber à la misère, lorsque la publication de ses poésies, qui ont eu beaucoup de succès et plusieurs éditions, ainsi qu’une petite pension sur les fonds applicables aux secours et encouragements littéraires, lui ont permis de ne vendre ni ses métiers, ni sa chaumière, et de se faire traiter par Sichel, qui lui a, je crois, conservé la vue. Voilà toute son histoire. Maintenant, lisez la préface :

<poem>J’étais bien jeune encore, quand ma rustique lyre Pour la première fois soupira mon délire ; Ma voix mal assurée essaya quelques sons, Mais l’amour seul connut mes rustiques chansons ; Car je chantais alors comme on chante au village, Et j’en avais les mœurs, ainsi que le langage. Quelques livres, tombés dans mes mains par hasard, Sont venus m’éclairer, et je soupçonnai l’art. Ce fut toi le premier, ô naïf la Fontaine, Qui réglas les accords de ma lyre incertaine ; Longtemps mon seul ami, tu m’étais suffisant ; Tu sus former mon goût, m’instruire en m’amusant. Poëte ingénieux, formé par la nature, N’as-tu pas de nos cœurs dévoilé l’imposture, Sans blesser notre orgueil, attaqué nos travers ? Je n’oublierai jamais tes leçons ni tes vers. J’appris en te lisant, homme simple et sublime, À cadencer des mots pour y joindre une rime.