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rapporte naïvement dans la presse conservatrice pour prouver que les ouvriers poètes perdent le sens par suite des éloges et de la publicité qu’on leur donne ne pourraient pas être facilement mises en regard de beaucoup d’exemples contraires ; manière de raisonner très-puérile, et indigne qu’on s’y arrête. Aussi n’avez-vous appuyé votre accusation sur aucun fait de ce genre ; vous avez trop de goût pour cela ; et vous seriez, vous, sceptique et spirituel railleur, tout prêt à répondre à ceux qui les rapportent qu’en vertu du même raisonnement qui détournerait le peuple du travail littéraire, sous prétexte que la folie et la sottise sont au bout, on devrait aussi engager les classes moyennes (foyer de lumière et de sagesse qui doit, nous dit-on, conserver pendant longtemps encore le droit d’initier les classes ouvrières à toute espèce d’éducation) à manier un peu la varlope et le marteau, pour détourner la sottise et la folie qui sont au bout d’un bon nombre d’essais littéraires.

M. A. — Je vous interromps pour confirmer que c’est là ma pensée. Je ne comprends pas que l’on commence par dire au peuple : « Ne songez pas à la gloire des lettres ; c’est elle qui nous rend malheureux, insensés, ridicules, qui nous place sans cesse entre le délire et le génie » (je demande quel est le juste milieu entre ces deux extrêmes) ; et qu’après ce beau raisonnement on arrive à conclure que nous sommes la classe sage, la classe savante, la classe grave et juste, qui doit conserver l’empire de l’intelligence et la direction de la société. Je tenais à ne pas endosser un pareil raisonnement. Poursuivez. J’écoute votre défense, qui jusqu’ici n’est qu’une revanche d’accusation, ce semble.