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de cet homme, et puis afin de comprendre sa peine, sa passion et sa volonté ; afin de le plaindre, de l’aimer et de l’aider si je puis. Qu’il soit donc vrai, qu’il soit donc lui-même ; qu’il ne me parle pas trop des ancres et des madones du moyen âge, auxquels il ne croit pas plus que moi, ni des forêts et des lacs romantiques, qu’il n’a jamais vus. Qu’il me parle de son atelier, de son établi, de sa tache, de son salaire, de son enfant, du pot de fleurs qui jaunit sur sa fenêtre. J’aime mieux tout cela que les sylphides et les houris, dont sa mémoire est farcie et la mienne rebattue. Qu’il me montre, enfin, cet homme que Diogène chercha en vain, et qu’il ne trouverait pas davantage aujourd’hui.

M. Z. — Votre théorie est sans réplique : mais l’application est encore difficile. Vous qui me reprochez toujours de vouloir marcher trop vite, vous courez au-devant des conquêtes de l’esprit humain. Vous, un peu trop patient, selon moi, à l’égard de certaines améliorations plus pressantes, vous voilà bien exigeant avec ce pauvre peuple qui commence à peine à parler la langue de son pays, et de qui vous réclamez bien vite une sagesse, une science, une supériorité de caractère, de jugement et de goût, que vous chercheriez en vain dans les masses bourgeoises, et même dans le monde artiste. Vous demandez la simplicité, l’austérité, la foi, la grande parole, le cœur évangélique avec la forme biblique ; rien que cela ! Le naturel, surtout, le naturel ! Où le trouverez-vous donc dans ce temps-ci ? Vous voulez voir l’homme à travers son œuvre. Ouvrez les poésies de tous ces jeunes littérateurs du monde élégant. Ne croirez-vous pas voir dans celui-ci un Othello ; dans celui-là, un amant es-