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d’ouvriers sous le titre de Poésies sociales ; vous ne voulez même pas qu’on dise que les ouvriers font de la poésie d’ouvriers. Eh bien, je réponds en bloc à vos deux reproches. Il n’y a que les ouvriers pour s’occuper des maux de la société, dont ils sont, en tant qu’ouvriers et en tant qu’hommes, les plus nombreuses et les plus infortunées victimes. En tant que poètes, ils ont le droit de s’en inspirer, et d’appeler leurs poésies poésies d’ouvriers, ce qui signifie poésies d’hommes qui souffrent et qui réclament ; poésies sociales, ce qui signifie poésies d’hommes qui veulent une société et à qui on refuse une existence sociale. Sociale est l’adjectif ; ouvrier est la signature.

M. A. — Moi, je répète et je soutiens que vous êtes tout à fait sorti de la question. Avec votre manie de discussion passionnée, vous m’avez adressé indirectement des reproches et des injures que ma proposition ne provoquait pas et n’eût pas dû m’attirer. Je ne niais pas le droit que l’éditeur d’un choix de romances espagnoles aurait d’intituler son recueil : Poésies espagnoles ; mais je disais que s’il nous donnait, au lieu de traductions de textes authentiques, des imitations faites à plaisir par quelques littérateurs de ses amis, ce publicateur se moquerait de nous. Voilà quelle était ma pensée, et je ne sortais pas du point de vue littéraire. Je persiste donc à dire qu’il n’y a pas de poésies d’ouvriers dans le sens artistique de cette expression. Les ouvriers naïfs, les compagnons illettrés qui font des chansons populaires sont peut-être aussi nés poètes ; mais leurs vers incorrects ne sont pas des vers. Et quant à ceux qui connaissent, comme Beuzeville, comme Savinien Lapointe, dont vous m’avez parlé dernièrement, les secrets de l’art poétique, ce