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de cette vanité que nous ne rencontrerons pas dans le Potier d’étain ?

M. A. — Ne cherchons pas, croyez-moi, nous trouverions.

M. Z. — Au contraire, cherchons. Il serait bien beau de rencontrer dans de la poésie d’ouvrier autant de goût à cet égard qu’il y en a dans La Fontaine et dans Béranger.

M. A. — Pourquoi dites-vous de la poésie d’ouvrier ? Je ne puis souffrir cette locution ; elle sent son charlatanisme humanitaire et son outrecuidance démocratique. Il n’y a pas de poésie d’ouvriers, il y a de la poésie de poètes. Je n’en connais point d’autre, quant à moi. Pourquoi voulez-vous, vous autres égalitaires, monter la tête à ces bonnes gens, en leur faisant accroire qu’ils créent une poésie ? Rien n’est moins fondé que cette prétention. Ils prennent l’art poétique au point où leurs devanciers et leurs contemporains, les versificateurs des classes éclairées, l’ont amené pour tout le monde ; et comme il n’y a jamais eu autant d’écrivains sur la surface de cette pauvre terre qu’on en voit, hélas ! aujourd’hui, de proche en proche la fureur de rimer se propage, et pénètre jusqu’au fond des ateliers et des échoppes. C’est un mouvement d’activité pour l’esprit humain qui ne connaît plus de bornes, et qu’il faut bien subir. Que les ouvriers s’amusent à faire des vers ou de la prose à leurs heures de délassements, cela vaut mieux que d’aller au cabaret, d’y manger son salaire, et de dire comme Sganarelle à sa femme qui se plaint d’avoir des enfants sur les bras ; Mets-les à terre. Mais je trouve plaisant que ces honnêtes gens s’imaginent avoir découvert le Par-