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Le Berry est-il une oasis où les grands vices n’ont pas encore pénétré ? Peut-être. Mon amours-propre de localité veut bien se le persuader.

Pourtant je vois que les esprits inquiets de chez nous — il y en a partout — se plaignent du paysan avec amertume, et je vois que les esprits réalistes — il y en a aussi chez nous — sont frappés du côté rude et chagrinant de la vie paysanne. Je veux bien m’en plaindre aussi pour mon compte. Je sens à toute heure, entre ces natures méfiantes et mes besoins d’initiative, une barrière que je dois souvent renoncer à franchir, dans leur propre intérêt, vu qu’ils feraient fort mal ce qu’ils ne comprennent pas bien. Mais, de ce que ces hommes sont autres que moi, ai-je sujet de les haïr et de les mépriser ?

J’entendais l’un d’eux dire à un monsieur qui le traitait de bête parce qu’il s’obstinait dans son idée :

— On a le droit d’être bête, si on veut.

Parole profonde dans sa niaiserie apparente. Toute âme humaine sent qu’elle ne doit pas aller en avant sans avoir acquis sa pleine conviction, et il me semble qu’il y a un fonds de grande sagesse à