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— Comment avez-vous pu élever votre famille ? Car vous avez des enfants !

— Ils se sont élevés comme ils ont pu, un peu chez moi, un peu chez les autres. Ma fille est une belle fille, vous l’avez vue hier. Elle sait faire la cuisine et parler espagnol.

— Espagnol ?

— Oui, elle a suivi en Espagne une bourgeoise d’ici, mariée avec un monsieur de ce pays-là. Mon garçon est au service. C’est un bon enfant, bien doux, fait à tout, comme moi. Vous me demanderez ce que je fais, à présent ; je n’en sais rien, une chose et l’autre ; je ne peux plus travailler. Voyez : en chassant, j’ai mal tourné mon fusil ; j’ai eu la main traversée, et l’autre moitié de la charge m’a caressé la tête. On dit dans le pays qu’il ne m’y est pas resté assez de plomb. Je crois bien ! pendant quinze jours, le médecin n’a pas fait autre chose que de m’en arracher. Tous les matins, je l’entendais dire en sortant : « C’est un homme mort ! » Et moi, je me dressais sur mon lit pour lui crier, du mieux que je pouvais : « Vous dites des bêtises, je