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place pour eux à table ; on les injure, on les traite de malfaiteurs et de mauvaises gens, sans feu ni lieu ; on parlemente longtemps ; le dialogue, toujours pittoresque, est parfois rempli d’esprit et même de poésie ; enfin on leur conseille de chanter pour se désennuyer, ou pour se réchauffer si c’est une nuit d’hiver, mais à condition qu’on chantera quelque chose d’inconnu à la compagnie qui, du dedans, les écoute.

Alors, une lutte lyrique commence entre les chanteurs du marié et ceux de la mariée, car elle aussi a ses chanteux fins, et, de plus, ses chanteuses expertes, matrones à la voix chevrotante, à qui l’on n’en impose point en donnant du vieux pour du neuf. Si l’on connaît, au dedans, la chanson du dehors, on l’interrompt dès le premier vers en chantant le second, et vite, il faut passer à une autre. Trois heures peuvent fort bien s’écouler, au vent et à la pluie, avant que le parti du marié ait pu achever un seul couplet, tant est riche le répertoire des chansons berrichonnes, tant la mémoire des beaux chanteurs est ornée ; chaque réplique victorieuse du dedans est accompagnée de grands éclats de rire d’un