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son vin aigrelet et léger qu’il boit sans eau, serait dans les meilleures conditions hygiéniques s’il mangeait tous les jours un peu de viande. Mais lui qui fournit de bœufs gras les marchés de Poissy, il ne mange de la viande que les jours de fête. Beaucoup n’en mangent jamais. Sa maigre soupe au beurre, son pain d’orge trop lourd, ses légumes farineux, sont une nourriture insuffisante, et ses maladies viennent toutes d’épuisement. Après la fauchaille et la moisson, s’il prend les fièvres, il en a pour des mois entiers. Et alors, pour celui qui n’a que ses bras, vient à grands pas la misère.

Les femmes ne connaissent guère le travail. Les enfants en sont mieux soignés ; mais le ménage est aux abois quand le chef de la famille est au lit ou pâle et tremblotant sur le seuil de sa cabane. Jusqu’au mariage, les filles sont pastoures ou servantes dans les métairies et dans les villes. Dès qu’elles ont une famille, elles ne quittent plus la maison, elles font la soupe, filent, tricotent ou rapiècent. Tout cela se fait si lentement et si mollement qu’il y a bien du temps perdu, et qu’on regrette l’absence d’une