Page:Sand - Promenades autour d un village - 1866.djvu/12

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des moissons. Ce mamelon, incliné jusqu’au lit de la Creuse, ressemble à un éboulement qui aurait coulé paisiblement entre les deux remparts de rochers, lesquels se relèvent de chaque côté et enferment, à perte de vue, le cours de la rivière dans les sinuosités de leurs murailles dentelées.

Le contraste de ces âpres déchirements et de cette eau agitée, avec la placidité des formes environnantes, est d’un réussi extraordinaire.

C’est une petite Suisse qui se révèle au sein d’une contrée où rien n’annonce les beautés de la montagne. Elles y sont pourtant discrètement cachées et petites de proportions, il est vrai, mais vastes de courbes et de perspectives, et infiniment heureuses dans leurs mouvements souples et fuyants. Le torrent et ses précipices n’ont pas de terreurs pour l’imagination. On sent une nature abordable, et comme qui dirait des abîmes hospitaliers. Ce n’est pas sublime d’horreur ; mais la douceur a aussi sa sublimité, et rien n’est doux à l’œil et à la pensée comme cette terre généreuse soumise à l’homme, et qui semble ne s’être permis de mon-