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gouverner leurs monacos, me disait Moranbois dans son langage imagé, qui leur fait pousser le ventre et pourrir les dents. Le patron — c’est ainsi qu’il appelait Bellamare — sera toujours jeune, parce qu’il ne fera de crasses ni à lui ni aux autres. Il ne dépensera pas sa verdeur à se faire un palais pour loger la pomme cuite qu’il sera dans vingt-cinq ou trente ans d’ici. Je vois tout le monde parler d’amasser pour ses vieux jours, comme si on était sûr d’avoir de vieux jours et comme si on devait désirer d’en avoir ! Le joli calcul de se manger le sang tout le temps qu’on en a, pour avoir de quoi se nourrir quand on ne sera plus qu’une ordure bonne pour le reliquaire du chiffonnier ! On dit aux insouciants : « Vous demanderez donc l’aumône quand vous ne pourrez plus travailler ? » Moi, je réponds que les paysans travaillent la terre jusqu’au jour où on les y colle, et qu’on n’y est ni plus ni moins bien collé, qu’on ait un drap de batiste ou un torchon pour linceul.

Malgré mon adhésion à cette haute philosophie, j’insistai pour qu’il me fût permis de faciliter à Bellamare et à ses amis le moyen d’occuper et d’utiliser agréablement leur jeunesse d’artistes.