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je mis les deux envois cachetés dans une enveloppe à l’adresse de Bellamare ; mais, au moment de fermer celle-ci, je fus lâche. Je retirai les trois mots destinés à Impéria. Je me persuadai que j’étais trop fier pour lui témoigner du dépit. Je transigeai par un atermoiement, et, feignant de n’avoir pas encore reçu sa lettre, j’écrivis à Bellamare :

« Vous m’oubliez. J’apprends par hasard où vous êtes. Je veux vous dire que je vous aime toujours comme un père, et vous prie de me rappeler au bon souvenir de mes camarades. Serez-vous assez obligeant pour faire passer à l’inconnue… que vous savez la petite lettre ci-incluse ? »

Et la lettre partit. Je vainquis l’effroi que me causait mon audace. Ma main tremblait en jetant dans la boîte ces trois mots à la comtesse, qui enchaînaient peut-être ma conscience et ma vie pour jamais. Je le sentais, je m’obstinais. Il m’était doux de rompre avec Impéria. Je savourais une sorte de vengeance que je n’osais pas lui dire, qui ne l’atteignait nullement, qui l’eût fait rire si elle l’eût connue, et qui pouvait retomber cruellement sur moi