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ractère est resté sauvage d’indépendance morale, et que, sous ce rapport, je ne m’étais pas trompé de chemin en me jetant dans la vie d’artiste ; seulement, il eût fallu légitimer cette ambition de liberté par un vrai talent, et je n’avais peut-être pas de talent du tout ! Qu’y faire ? C’était tant pis pour moi !

L’ennui me dévorait, car, de toutes les causes d’ennui, l’irrésolution est la plus pesante. J’étais navré de ne pas trouver un but à ma destinée et de ne plus savoir à quoi employer mon activité, mon intelligence, ma facilité à apprendre, ma mémoire, les forces de mon tempérament, de mon cœur et de mon cerveau. J’avais cru sentir que j’étais quelqu’un, que je pouvais devenir quelque chose, et tout à coup je ne trouvais en moi qu’impuissance et découragement, autour de moi qu’obstacles ou précipices. La maladie de Léon me gagnait, et j’en ressentais l’épouvante.

Il y a des milliers de jeunes gens dans cette position, car l’homme du peuple, sitôt qu’il est un peu au-dessus du besoin, aspire à pousser ses enfants plus haut que lui. Les fils de famille, dont la position est toute faite d’avance, ne savent pas ce