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Mon père me revit avec joie et me questionna à peine sur l’emploi de mon temps. En me voyant studieux et content de mon sort en apparence, il ne chercha pas à comprendre pourquoi j’avais voyagé tout l’été.

Je me sentais pourtant comme désespéré, et pour la première fois je trouvai ma ville, ma maison, mon existence intolérables. Je mesurai l’abîme qui me séparait de mes compagnons d’enfance, et la grossièreté de mon milieu normal me blessa comme une injustice de la destinée. En y réfléchissant, je reconnus vite que ce n’était ni la faute de ce milieu, si je ne l’acceptais plus, ni la mienne, s’il ne pouvait plus me satisfaire. Tout le mal venait de la naïve ambition que mon père avait eue de m’élever au-dessus de son état. Pour en sortir véritablement, il me fallait non-seulement des années de travail assidu et de courage à toute épreuve, — et je m’en sentais capable, — mais encore une certaine supériorité d’intelligence, et mon médiocre essai dramatique m’avait jeté dans un grand doute de moi-même. Vous me direz que cela n’était pas raisonnable, que, le théâtre étant une spécialité bien tranchée, ma gaucherie et ma timidité ne de-