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assez sérieux pour un homme de loisir. Nous vîmes ensemble le château de Blois, dont il nous fit l’historique détaille d’une façon intéressante. Le soir, il nous proposa de rester chez lui et de causer tout simplement en prenant du punch et en fumant d’excellents cigares. C’est dans cette tranquille causerie que je compris pour la première fois les préoccupations mystérieuses de Léon.

Léon n’était plus un enfant, il avait trente-deux ans, il avait beaucoup vécu et il s’était beaucoup instruit en vivant. Sa passion dominante avait toujours été le théâtre. Il en aimait toutes les fictions et n’en acceptait aucune réalité. C’était l’esprit et non la lettre qui le soutenait. Il aimait tous ses rôles, en ce sens qu’il les complétait dans sa pensée et que, soignant beaucoup son aspect extérieur, maquillage et costume, il entrait toujours en scène en se persuadant qu’il était le personnage de son interprétation ; mais, en même temps, il détestait tous ses rôles, parce qu’il ne les trouvait pas tracés et écrits dans son sentiment. Enfin il était trop maître pour être virtuose, trop lettré pour être interprète, et il regimbait sans cesse intérieurement contre sa tâche, sans vouloir pourtant y re-