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jamais vécu autrement que les pierres et les feuilles ; elles sont heureuses autant qu’elles peuvent l’être, vivant dans leur milieu naturel et point tourmentées dans leur passive existence. Pourquoi ne serais-je pas aussi contint qu’elles, moi qui, pardessus le marché, ai la faculté de sentir mon bonheur ? Mais je ne puis rester longtemps ainsi, je sens quelquefois que, pendant que ma volonté dit oui, des larmes qui tombent lâchement sur mes mains oisives disent non !

— Alors, ne restons pas ici. Ne m’y racontez pas vos chagrins ; ils détruiraient peut-être à jamais la vertu de votre oubliette.

— Qui sait ? ce sera peut-être le contraire ! les pensées que l’on repousse reviennent avec plus d’obstination. Tenez, je n’aurais peut-être pas demain le courage de continuer mon récit, et je sais que vous devez partir au premier jour. Avalons d’un trait l’amer breuvage !

Et le fils du jardinier, ayant lavé ses mains terreuses dans le ruisseau, reprit ainsi l’historique de sa vie d’artiste :