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J’étais derrière la portière, j’essayai de l’entr’ouvrir encore, ma main tremblait ; quand j’eus réussi à risquer un œil, il était trop tard : le damné voile noir, cruellement opaque, était retombé sur le visage et sur le buste de ma Galatée. Je restai là, n’osant plus regarder, car, si elle me tournait le dos, Bellamare, placé dans le coin vis-à-vis d’elle, était orienté de façon à voir remuer la tapisserie. J’écoutai, debout et pétrifié, la suite du dialogue.

— Je suis contente que ma figure vous plaise, monsieur Bellamare ; vous lui direz, quand il en sera temps, que je ne suis pas laide.

— Ah ! fichtre ! reprit naïvement Bellamare, sachant bien que l’expression spontanée de la conviction ne blesse jamais une femme, vous êtes belle à rendre fou ! Allons ! je ferai ce que vous voudrez. Je m’informerai prudemment.

— Oui, très-prudemment, mais très-consciencieusement, je l’exige, et, quand vous serez bien sûr que je suis une personne sérieuse qui, après beaucoup d’ennui, de raison et de vertu, a donné accès dans son cœur et dans sa tête à un sentiment vif et à une noble folie, vous m’aiderez à faire accepter ma main à celui que j’ai choisi pour époux.