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Je ne sais quelle subite lucidité m’empêcha de crier : « Léon, est-ce toi ? » Avais-je dormi longtemps ? Le feu de ma cheminée était consumé, la lune était arrivée en face de la fenêtre, dont j’avais laissé un des rideaux un peu relevé. Je mis les pieds à terre et marchai sans bruit jusqu’à la portière de tapisserie qui me séparait du boudoir, et que j’entr’ouvris de la largeur d’un cheveu pour regarder avec précaution. Ce que j’avais prévu se réalisait. Une femme élégante, richement vêtue de noir et voilée de dentelle, prenait possession de l’appartement. Était-ce la marquise de mon commentaire ? Il m’était impossible de voir son visage, qui était tourné du côté de la cheminée et que ne me renvoyait pas la glace, placée très-haut, conformément au style du local ; mais, à travers la dentelle noire, je distinguais une splendide chevelure blonde et un cou magnifique. La taille était souple, élancée sans être frêle, les mouvements sûrs, jeunes et gracieux. Je vis tout cela, car elle éleva les bras pour éteindre les bougies des candélabres qui brûlaient encore, elle éloigna de la cheminée un des fauteuils, rapprocha l’autre et mit un coussin sous ses pieds. Elle ne fut plus éclairée que par une