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prendre que les ficelles qui servent à se rattraper quand on n’a pu saisir la corde. Chacun doit exprimer selon sa propre nature, et les grands artistes sont ceux qui puisent tout en eux-mêmes. Connais-toi, essaye-toi et risque-toi.

Je fis de vains efforts. J’étais rempli de passion, je ne pouvais pas plus l’exprimer au théâtre que dans la vie réelle. Cette nécessité de cacher mon amour à celle qui l’inspirait fut peut-être un trop grand effort de ma volonté, un trop grand sacrifice de moi-même. Je ne pus trouver dans la fiction l’accent qui manquait à mon émotion intime. À Beaugency, où je fis mon second essai, je ne retrouvai pas le souffle qui m’avait animé à Orléans le jour de mon duel. Je fus, au dire de mes camarades, très-bien, c’est-à-dire, selon moi, parfaitement médiocre. J’avais fait un progrès, cependant : je m’étais délivré de l’air impertinent ou ennuyé. J’agissais convenablement ; si mon rôle avait une nuance de timidité, je la rendais au naturel ; enfin j’avais trouvé l’air qui convenait à mon âge et à mon emploi. J’étais devenu supportable, mais je devais rester insignifiant, et le pire de l’affaire, c’est que Bellamare s’en contentait, et que tous