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de l’échelle sociale. C’est là que les destinées les plus diverses, les éducations les plus dissemblables, les facultés les plus opposées, semblent apportées comme les débris de toute sorte que le flot charrie et amoncelle au hasard sur un écueil. Ce qui se bâtit là avec les ruines d’un monde de passions évanouies, d’ambitions déçues, de productions spontanées, de rêves ardents, de mornes désespoirs, de forces indomptables, de maladies mentales, d’éclosions merveilleuses, d’inspirations folles, sublimes, stupides, c’est le palais de fées qu’on appelle l’art dramatique, le sanctuaire, ouvert à tous les vents, de la fiction splendide ou misérable. C’est quelque chose de fuyant comme un songe, de confus comme une émeute, où tout ce qui est faux s’attelle à la représentation du vrai, où la pourpre du couchant et l’azur des nuits sont de la lumière électrique, où les arbres sont de la toile peinte, la brume un rideau de gaze, les rochers et les colonnades de la détrempe : vous savez tout cela, vous connaissez tous les artifices, vous devinez tous les trucs ; mais ce que vous ne savez pas, c’est la fantasmagorie du monde moral qui vit là d’une vie factice comme le reste. Ce vieillard