Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/113

Cette page n’a pas encore été corrigée

êtes docile, je vous sauverai de ce danger-là ; mais, si vous n’avez pas un grand fonds de sensibilité et de vérité, vous deviendrez froid et banal. Voilà, pour conclure, ce que ma conscience me commande de vous dire ; vous avez à travailler énormément le plus difficile et le plus ingrat des métiers. Le résultat peut être une vie de gloire et de fortune ; il peut aussi être nul, et je ne réponds pas du tout que, dans trois ans, vous ne soyez un fruit sec. Le métier, qui est indispensable, emporte dix-neuf fois sur vingt l’originalité. Réfléchissez donc avant de quitter votre carrière et votre milieu pour le théâtre. Vous me direz demain si vous vous sentez le courage de transformer radicalement votre individu au risque de devenir un être absolument effacé, découragé, vidé !

» Et méditez encore ceci : c’est qu’on peut changer de carrière tant que l’on marche dans les routes battues de la société, tandis que l’homme engagé dans la bohème du théâtre ne peut rentrer dans un autre milieu. Ce n’est point parce que le préjugé vous repousse. Cela, peu importe ! un homme énergique en triomphe et conquiert partout la place qu’il sait prendre ; mais, après le