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la constitue, c’est le précieux résultat de l’étude de la nature, et c’est une erreur de croire que tout le monde est à même d’improviser ce résultat. Pour bien sentir la musique, il faut la savoir ; pour apprécier la peinture, il faut l’avoir beaucoup interrogée dans l’œuvre des maîtres. Tout le monde est d’accord sur ce point, et pourtant tout le monde croit voir le ciel, la mer et la terre avec des yeux compétents. Non, c’est impossible ; la terre, la mer et le ciel sont le résultat d’une science plus abstraite et d’un art plus inspiré que nos œuvres humaines. Je trouve inoffensifs les gens sincères qui avouent leur indifférence pour la nature ; je trouve irritants ceux qui prétendent la comprendre sans la connaître et qui feignent de l’admirer sans la voir. Cette verbeuse et prétentieuse admiration descriptive des personnes qui voient mal rend forcément taciturnes celles qui voient mieux, et qui sentent d’ailleurs profondément l’impuissance des mots pour traduire l’infini du beau.

Voilà ce que je voulais vous écrire à propos de la botanique. Ne me dites plus que je la sais. J’en bois tant que je peux, voilà tout. Je ne saurai jamais. Sans mémoire, on est éternellement