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Pour peu que l’on s’y essaie, on découvre en soi une docilité que l’on ne se connaissait pas, de même que l’esprit généreux qui entreprend un grand et noble travail est tout surpris de sentir en lui un nouveau lui-même qui s’éveille, se révèle et semble dicter ses lois à l’ancien. C’est la troisième âme, c’est ce que les artistes inspirés appellent l’autre, celle qui chante quand le compositeur écoute et qui vibre quand le virtuose improvise. C’est celle qui jette brûlante sur la toile du maître l’impression qu’il a cru recevoir froidement. C’est celle qui pense quand la main écrit et qui fait quelquefois qu’on exprime au delà de ce que l’on songeait à exprimer. Enfin c’est elle qui n’ergote pas, qui n’a plus besoin de raisonner, mais qui peut et qui veut ; elle est là, agissante à notre insu le plus souvent, cherchant à nous élever vers le foyer de la science infinie ; mais nous ne la connaissons pas, nous avons peur d’elle. Nous croyons qu’elle usera trop vite les ressorts de notre frêle machine. L’instinct de la conservation nous empêche de la suivre sur les cimes. C’est une peur lâche, résultat de notre ignorance, car c’est elle qui est la vie irréductible, et, si son embrassement