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Je rêve ici une abbaye de Thélème avec la grande devise Fais ce que veulx ! En possession de cette absolue liberté, l’homme rationnel est inévitablement porté par sa nature à ne vouloir que le bien. Dès lors je peuple cette solitude à ma guise ; d’un coup de baguette, ma fantaisie fait rentrer sous terre cette ridicule chartreuse avec ses clochetons vernis, qui ressemblent à des parapluies fermés, et ces petites maisons, qui ressemblent à un hospice d’aliénés. Je restitue à la merveilleuse flore de cette région cette partie trop longtemps mutilée de son domaine. Je ne vois dans la brume de mon rêve ni château, ni villa, ni chalet pour abriter les créatures d’élite que j’évoque. Je ne suis pas en peine du détail de leur vie pratique : elles ont l’intelligence et le goût, quelques-unes ont probablement le génie. Elles ont su se construire des habitations dignes d’elles et les placer de manière à ne pas faire tache dans le paysage. Je ne vois pas non plus quel costume elles ont revêtu. Il est beau à coup sûr et ne ressemble en rien à nos modes extravagantes ou hideuses. Il n’y a point de mode dans ce monde-là. Chacun marque ou adoucit son type avec art et