Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/161

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’hiver, dans tes courses solitaires des beaux jours, dans ton état d’absorption par l’examen et l’étude de la nature, tu m’as paru le plus sage de nous deux. Tu n’as pas eu besoin d’arriver, toi, tu n’es pas parti, et tu es heureux au port que tu n’as pas voulu quitter. Moi, j’ai eu les aventures du pigeon de la fable, et je reviens toujours vers les miens sans autre joie que celle de les retrouver. Ce n’était donc pas la peine de quitter la terre natale, puisque arriver, pour moi, c’est toujours revenir.

Je ne saurais me plaindre du sort. J’y aurais mauvaise grâce du moment que la faculté d’aimer et d’admirer ne s’est point amoindrie en moi dans mon combat avec la vie ; mais, quand on pense à soi, quand on compare sa destinée avec d’autres destinées qui nous intéressent également, on est porté — c’est mon travers — à chercher l’idéal de la vie pour tous les êtres du présent et de l’avenir. C’est la pente que suivait ma pensée pendant que nous revenions à la nouvelle chartreuse.

Et, chemin faisant, nous rencontrâmes un groupe de chartreux qui se promenaient : un gros vieux, court, qui s’appuyait sur une canne,