Page:Sand - Nouvelles Lettres d un voyageur.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

sa patrie. Le brachypodium ramosus n’a pas de nom vulgaire que je sache ; aucun paysan n’a pu me le dire. Il porte un petit épi grêle, cinq ou six grains bien chétifs qui, çà et là, ont passé l’hiver sur leur tige sans se détacher. On ne l’utilise pas, on ne s’en occupe jamais. Il est venu là, et, comme son chaume fin et chevelu forme un gazon presque toujours vert et touffu, on l’y a laissé. Il n’y a nullement dépéri depuis sept ans que je le connais. Nul autre gazon n’eût consenti à vivre dans ces rochers et sous cette ombre des grands pins : les animaux ne le mangent pas, il n’y a que Bou-Maca, le petit âne d’Afrique, qui s’en arrange quand on l’attache dehors ; mais il aime mieux autre chose, car il casse sa corde ou la dénoue avec ses dents et s’en va, comme autrefois, chercher sa vie dans la presqu’île. J’apprends que, seul tout l’hiver dans cette bastide inhabitée, — le pauvre petit chien qui lui tenait compagnie n’est plus, — il s’est mis à vivre à l’état sauvage. Il part dès le matin, va dans la montagne ou dans la vallée promener son caprice, son appétit et ses réflexions. Il rentre quelquefois le soir à son gîte, regarde tristement son râtelier vide et repart.