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du type fruste. Michel-Ange voyait-il avec nos yeux d’aujourd’hui les croupes et les attaches d’une montagne plus ou moins belle ? Qu’importe ! il avait toutes les Alpes dans la poitrine, et il portait l’Atlas dans son cerveau.

Quittons cet Atlas en miniature de la Carpiagne, où le soleil dessine avec de grands éclats de lumière coupés d’ombres vaporeuses les contours rudes de formes, chatoyants de couleur comme l’opale. Notre déesse Flore cache-t-elle dans ces fentes arides et nues en apparence les petites raretés du fond de sa corbeille ? Probablement ; mais le convoi brutal nous emporte au loin et s’engouffre sous des tunnels interminables où il fait noir et froid. On entre dans l’Érèbe, un sens païen de voyage aux enfers se formule dans la pensée ; ce bruit aigre et déchirant de la vapeur, ce rugissement étouffé de la rotation, cette obscurité qui consterne l’âme, c’est l’effroi de la course vers l’inconnu. L’esprit ne sent plus la vie que par le regret de la perdre, et l’impatience de la retrouver. Mais voici une lueur glauque : est-ce la porte du Tartare ou celle d’un monde nouveau plus beau que l’ancien ? C’est la lumière, c’est le soleil,