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d’importance à ceux qui mesurent le beau à la toise ; autant que mon œil peut apprécier ce monument naturel, il a de six à sept cents mètres d’élévation, et ses verticales nombreuses ont peut-être trois ou quatre cents pieds. Peu m’importe ; l’œil voit immense ce qui est construit dans de belles proportions, et le Lapithe qui a taillé cette montagne à grands coups de massue était un artiste puissant, quelque demi-dieu ancêtre du génie qui s’incorpora et se personnifia dans Michel-Ange.

Il y a, n’est-ce pas ? dans la nature, des formes qui nous font penser à tel ou tel maître, bien que le rapport ne soit pas matériellement saisissable entre l’œuvre de la planète et celle de l’artiste. Un rocher de la Carpiagne ou de l’Estérel ne ressemble pas à la chapelle des Médicis ni au Moïse, et pourtant ces grandes figures de la civilisation idéalisée viennent, dans notre rêverie, s’asseoir sur les sommets de ces temples barbares et primitifs. C’est que le beau engendre la postérité du beau, qui, parlant du fait et passant par tous les perfectionnements que la pensée lui donne, garde comme air de famille les qualités de hardiesse, d’âpreté ou de grâce