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réconciliation avec ma cousine ; car, n’espérez pas me tromper, je sais à présent le secret. Quand nous sommes entrés au bal, Lavinia était triste et dansait d’un air distrait ; dès qu’elle vous a vu, son œil s’est animé, son front s’est éclairci. Elle était rayonnante à la valse quand vous l’enleviez comme une plume à travers la foule. Heureux Lionel ! à Luchon, une belle fiancée et une belle dot ; à Saint-Sauveur, une belle maîtresse et un grand triomphe !

— Laissez-moi tranquille avec vos balivernes ! dit Lionel avec humeur.

Henry était habillé le premier. Il sortit pour voir ce qui se passait, et revint bientôt en faisant son vacarme accoutumé sur l’escalier.

— Hélas ! Henry, lui dit son ami, ne perdrez-vous point cette voix haletante et ce geste effaré ? On dirait toujours que vous venez de lancer le lièvre et que vous prenez les gens à qui vous parlez pour des limiers découplés.

— À cheval ! à cheval ! cria Henry. Lady Lavinia Blake est à cheval : elle part pour Gèdres avec dix autres jeunes folles et je ne sais combien de godelureaux, le comte de Morangy en tête… ce qui ne veut pas dire qu’elle n’ait que le comte de Morangy en tête : entendons-nous !

— Silence, clown ! s’écria Lionel. À cheval en effet, et partons !

La cavalcade avait pris de l’avance sur eux. La route de Gèdres est un sentier escarpé, une sorte d’escalier taillé dans le roc, côtoyant le précipice, offrant mille difficultés aux chevaux, mille dangers très-réels aux voyageurs. Lionel lança son cheval au grand galop. Henry crut qu’il était fou ; mais, pensant qu’il y allait de son honneur de ne pas rester en arrière, il s’élança sur ses traces. Leur arrivée fut un incident fantastique pour la