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environnée d’hommages et trouvant dans chaque regard une vengeance ou une réparation du passé. Lorsqu’elle retourna à sa place, au moment où le comte avait une distraction, Lionel se glissa adroitement auprès d’elle et ramassa son éventail, qu’elle venait de laisser tomber. Lavinia ne s’attendait point à le trouver là. Un faible cri lui échappa, et son teint pâlit sensiblement.

— Ah ! mon Dieu ! lui dit-elle, je vous croyais sur la route de Bagnères.

— Ne craignez rien, madame, lui dit-il à voix basse ; je ne vous compromettrai point auprès du comte de Morangy.

Cependant il n’y put tenir longtemps, et bientôt il revint l’inviter à danser.

Elle accepta.

— Ne faudra-t-il pas aussi que j’en demande la permission à M. le comte de Morangy ? lui dit-il.

Le bal dura jusqu’au jour. Lady Lavinia était sûre de faire durer un bal tant qu’elle y resterait. À la faveur du désordre qui se glisse peu à peu dans une fête à mesure que la nuit s’avance, Lionel put lui parler souvent. Cette nuit acheva de lui faire tourner la tête. Enivré par les charmes de lady Blake, excité par la rivalité du comte, irrité par les hommages de la foule qui à chaque instant se jetait entre elle et lui, il s’acharna de tout son pouvoir à réveiller cette passion éteinte, et l’amour-propre lui fit sentir si vivement son aiguillon, qu’il sortit du bal dans un état de délire inconcevable.

Il essaya en vain de dormir. Henry, qui avait fait la cour à toutes les femmes et dansé toutes les contredanses, ronfla de toute sa tête. Dès qu’il fut éveillé :

— Eh bien Lionel, dit-il en se frottant les yeux, vive Dieu ! mon ami, c’est une histoire piquante que votre