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de cet homme ne m’offense pas… Adieu, Lionel. Quittons-nous pour toujours, mais quittons-nous sans amertume. Voici votre portrait et vos lettres… Allons, laissez ma main, il faut que je retourne au bal.

— Il faut que vous retourniez danser avec M. de Morangy, n’est-ce pas ? dit Lionel en jetant son portrait avec colère et en le broyant de son talon.

— Écoutez donc, dit Lavinia un peu pâle, mais calme, le comte de Morangy m’offre un rang et une haute réhabilitation dans le monde. L’alliance d’un vieux lord ne m’a jamais bien lavée de la tache cruelle qui couvre une femme délaissée. On sait qu’un vieillard reçoit toujours plus qu’il ne donne. Mais un homme jeune, riche, noble, envié, aimé des femmes… c’est différent ! Cela mérite qu’on y pense, Lionel ; et je suis bien aise d’avoir jusqu’ici ménagé le comte. Je devinais depuis longtemps la loyauté de ses intentions.

— femmes ! la vanité ne meurt point en vous ! s’écria Lionel avec dépit lorsqu’elle fut partie.

Il alla rejoindre Henry à l’hôtellerie. Celui-ci l’attendait avec impatience.

— Damnation sur vous, Lionel ! s’écria-t-il. Il y a une grande heure que je vous attends sur mes étriers. Comment ! deux heures pour une semblable entrevue ! Allons, en route ! vous me raconterez cela chemin faisant.

— Bonsoir, Henry. Allez-vous-en dire à miss Margaret que le traversin qui est couché à ma place dans mon lit est au plus mal. Moi, je reste.

— Cieux et terre ! qu’entends-je ! s’écria Henry ; vous ne voulez point aller à Luchon ?

— J’irai une autre fois ; je reste ici maintenant.

— Mais c’est impossible ! Vous rêvez. Vous n’êtes point réconcilié avec lady Blake ?