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dire que vous vous souvenez encore assez de moi, pour être bien sur que je ne réclame ces gages d’une ancienne affection par aucun de ces motifs de prudence dont les femmes s’avisent quand elles n’aiment plus. Si vous aviez un tel soupçon, il suffirait, pour me justifier, de rappeler que, depuis dix ans, ces gages sont restés entre vos mains, sans que j’aie songé à vous les retirer, le ne m’y serais jamais déterminée si le repos d’une autre femme n’était compromis par l’existence de ces papiers…

Lionel regarda fixement Lavinia, attentif au moindre signe d’amertume ou de chagrin que la pensée de Margaret Ellis ferait naître en elle ; mais il lui fut impossible de trouver la plus légère altération dans son regard ou dans sa voix. Lavinia semblait être invulnérable désormais.

— Cette femme s’est-elle changée en diamant ou en glace ? se demanda-t-il. Vous êtes généreuse, lui dit-il avec un mélange de reconnaissance et d’ironie, si c’est là votre unique motif.

— Quel autre pourrais-je avoir, sir Lionel ? Vous plairait-il de me le dire ?

— Je pourrais présumer, madame, si j’avais envie de nier votre générosité (ce qu’à Dieu ne plaise !), que des motifs personnels vous font désirer de rentrer dans la possession de ces lettres et de ce portrait.

— Ce serait m’y prendre un peu tard, dit Lavinia en riant ; à coup sûr, si je vous disais que j’ai attendu jusqu’à ce jour pour avoir des motifs personnels (c’est votre expression), vous auriez de grands remords, n’est-ce pas ?

— Madame, vous m’embarrassez beaucoup, dit Lionel.

Et il prononça ces mots avec aisance, car, là, il se